Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/336

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je suis convaincue qu’au milieu des grandes dissensions qui déchirent le royaume, la personne à laquelle vous faites allusion s’est peut-être trompée en choisissant son parti ; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle a été consciencieuse, et c’est ce qui fait que je l’en estime davantage. Il ne peut espérer mieux, et ne demandera rien de plus, avant qu’un heureux changement éteigne les haines publiques, et que mon père soit une fois encore réconcilié avec lui. Je souhaite sincèrement que ce bonheur nous arrive par la restauration prompte et unanimement consentie de Votre Majesté ! — Vous avez trouvé une raison, » dit le roi d’un ton bourru, « pour me faire détester l’idée d’un tel événement, et vous n’avez pas, Alice, d’intérêt sincère à le souhaiter ? Au contraire, ne voyez-vous pas que votre amant, marchant côte à côte avec Cromwell, peut, ou plutôt doit partager son pouvoir ? Même, si Lambert ne prend point le pas sur lui, il peut faire tomber Cromwell et régner à sa place ; et croyez-vous qu’il ne trouvera pas moyen de triompher de l’orgueil des loyaux Lee, et de conclure l’union pour laquelle les choses sont mieux préparées que pour celle que, dit-on, Cromwell médite entre un de ses enfants et le non moins loyal héritier de Fauconberg ? — Votre Majesté a enfin trouvé une manière de se venger… si ce que j’ai dit le mérite, toutefois. — Je pourrais indiquer encore une plus courte voie à votre union, » dit Charles, sans s’apercevoir de son chagrin, ou peut-être jouissant du plaisir des représailles. « Supposez que vous envoyiez dire à votre colonel qu’il y a ici un Charles Stuart venu pour troubler les saints dans ce pénible gouvernement qu’ils ont obtenu à force de prières et de prédications, par leurs épées et leurs fusils… et supposez qu’il ait l’adresse d’amener une dizaine de soldats, ce qui suffit amplement, par le temps qui court, pour décider le destin de l’héritier de la couronne… ne pensez-vous pas qu’une prise aussi bonne pourrait lui mériter, de la part du croupion ou de Cromwell, une récompense dont la valeur aurait la vertu de réfuter les objections de votre père contre une alliance avec les Têtes-rondes, et de procurer à la belle Alice et à son cousin le colonel l’entier accomplissement de leurs désirs ? — Milord, » dit Alice, les joues rouges de colère et les yeux étincelants, car elle avait aussi sa part de la fierté héréditaire dans sa famille ; « voilà qui passe les bornes de ma patience. J’ai écouté, sans témoigner mon indignation, l’ignominieuse proposition que vous m’avez faite, et j’ai mis autant de délicatesse à refuser de devenir la maîtresse d’un prince fugitif,