Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/383

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dans de nouveaux embarras une maison que le danger environnait déjà, et que renfermait un dépôt si précieux.


CHAPITRE XXX.

CROMWELL.


Cassio. Celle botte, ma foi, m’eût été fatale, si mon justaucorps n’était meilleur que tu ne croyais.
Shakspeare. Othello.


Pendant l’obscure soirée d’octobre qui succéda au jour où fut tué Tomkins, le colonel Éverard, indépendamment de son fidèle compagnon Roger Wildrake, avait encore maître Néhémiah Holdenough à souper avec lui. Les prières du soir, faites suivant le rite presbytérien, un léger repas accompagné d’une double pinte de vin cuit, fut servi à ses hôtes vers neuf heures, et c’était une heure tout-à-fait indue. Maître Holdenough s’engagea bientôt dans une déclamation polémique contre les sectaires et les indépendants, sans s’apercevoir que son éloquence n’intéressait guère son principal auditeur, dont les idées, pendant ce temps-là, pensaient à Woodstock et à tout ce que le château renfermait, au prince qui y était caché… À son oncle, et surtout à Alice Lee. Quant à Wildrake, après avoir lancé une malédiction mentale contre les sectaires et les presbytériens, car dans son opinion une caque ne contenait pas un hareng meilleur qu’un autre, il étendit les jambes et se serait sans doute endormi si des pensées du même genre que celles de son patron n’étaient venues s’opposer à son sommeil.

Les convives étaient servis par un jeune garçon qui avait l’air égyptien, portant un pourpoint de couleur orange très foncée et brodé en laine bleue. Le gaillard était petit, mais actif et intelligent comme son œil noir semblait l’annoncer par sa vivacité. C’était un domestique du choix de Wildrake, qui lui avait donné le nom de guerre de Spitfire[1], et lui avait promis de l’avancement aussitôt que son jeune protégé, Déjeuner, serait capable de lui succéder dans ses fonctions actuelles ; il est inutile de dire que les frais du ménage étaient faits par le colonel Éverard qui laissait Wildrake gouverner la maison à son gré. Le page ne manquait pas, en offrant de temps à autre du vin à la compagnie, de procurer deux fois à

  1. Mot formé de spit, cracher, et de fire, feu : comme qui dirait crache-feu. a. m.