Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/388

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casse, en disant d’un ton brusque : « Sur ta vie, Spitfire, rappelle-toi mes ordres !… Je m’en vais te descendre par la fenêtre dans la cour… le mur n’en est pas bien haut… et là il n’y a point de sentinelle. Cours à la Loge, aussi vite que tu volerais au ciel, et remets cette plume à miss Alice Lee, si tu peux… sinon, à Jocelin Joliffe. Dis-leur que j’ai gagné le pari de la jeune demoiselle. Me comprends-tu, mon garçon ? »

L’intelligent jeune homme frappa de sa main dans celle de son maître, et répondit seulement : « Fait, fait. »

Wildrake ouvrit la fenêtre, et quoique la hauteur fût assez considérable, il parvint à descendre sans accident le jeune garçon en le soutenant de son manteau. Un tas de paille, sur lequel Spitfire tomba, le préserva dans ce saut périlleux ; et Wildraike le vit grimper sur la muraille de la cour, par un angle qui donnait sur une ruelle de derrière ; et l’escalade fut sitôt terminée, que le Cavalier était déjà entré dans l’appartement avant que l’on pût pu s’apercevoir de son absence ; on en était encore aux cérémonies occasionnées par l’arrivée de Cromwell.

Tant que Cromwell discuta sur la vanité des croyances, Wildrake demeura inquiet, se demandant s’il n’aurait pas mieux fait d’envoyer du moins un message verbal et explicite, puisqu’il n’avait pas eu le temps d écrire ; mais la possibilité que le jeune domestique fût arrêté, ou s’effrayât même à l’idée de la communication pressée et importante qu’on l’envoyait porter, l’engagea au total à s’applaudir d’avoir préféré une manière plus énigmatique de donner avis du péril. Il avait donc l’avantage sur son patron, car il pouvait encore garder quelque espoir.

Pearson avait à peine fermé la porte, qu’Holdenough, aussi prompt à s’armer contre le futur dictateur qu’il avait mis d’empressement à combattre les fantômes et les diables supposés de Woodstock, reprit son attaque contre les schismatiques, et il parvint à démontrer qu’ils étaient à la fois des tueurs d’âmes, de faux frères et de faux messagers, et il se disposait à citer les textes à l’appui de sa proposition, lorsque Cromwell, ennuyé sans doute de cette discussion, et jaloux d’amener la conversation sur un sujet plus conforme à ses pensées actuelles, l’interrompit, quoique fort civilement, et prit lui-même la parole.

« Hélas ! dit-il, le brave ne se trompe pas, suivant ses connaissances et ses lumières. Oui, ce sont des vérités amères et dures à digérer, puisque nous voyons comme tous les autres hommes, et