Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/395

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seur. Et pourtant il est déjà tard… Je crains qu’il ne nous faille aller à la Loge sans lui. Cependant, tout bien considéré, j’attendrai ici jusqu’à minuit. Ah ! Éverard, tu pourrais nous tirer de ce mauvais pas, si tu voulais. Quelques sots principes auront-ils plus d’influence sur toi que la pacification et la prospérité de l’Angleterre ? que la parole jurée à ton ami et à ton bienfaiteur, qui pourtant sera toujours le même à ton égard ? que la fortune et la sécurité de tes parents ? Tous ces motifs, dis-je, pèsent-ils moins dans la balance que la cause d’un indigne marmot qui, avec son père et la maison de son père, trouble Israël depuis cinquante ans ? — Je ne comprends pas Votre Excellence ; j’ignore quel est le service dont elle veut parler et que je puis honnêtement lui rendre. Quant à un projet honteux, j’aurais peine à vous entendre me le proposer. — Eh bien ! celui-ci peut convenir à ton honneur, à ton humeur scrupuleuse. Appelle ton entêtement comme tu voudras, dit Cromwell ; tu connais sans doute toutes les issues de ce palais de Jézabel ; indique-moi comment il les faut faire garder pour empêcher que personne ne s’en échappe. — Je ne puis vous aider en cette occasion ; je ne connais pas toutes les entrées et les poternes de Woodstock ; et d’ailleurs, je ne suis pas libre en conscience de vous donner en cette circonstance aucun renseignement. — Nous agirons donc sans vous, monsieur, » répliqua fièrement Cromwell, « et s’il se trouve quelque chose dont on puisse vous accuser, rappelez-vous que vous avez perdu tout droit à ma protection. — Je serais fâché de perdre votre amitié ; mais je crois qu’en ma qualité de gentilhomme, je n’ai nullement besoin de recourir à la protection de personne. Je ne connais pas de loi qui m’oblige à jouer le rôle d’espion ou de délateur, lors même qu’il me serait possible de remplir l’une ou l’autre de ces fonctions sans me déshonorer. — Eh bien ! monsieur, malgré tous vos privilèges et vos qualités, je prendrai sur moi la permission de vous emmener cette nuit même à la Loge de Woodstock, pour informer sur des affaires qui intéressent l’État. Ici, Pearson. » Il tira de sa poche un dessin grossier : c’était un plan de la Loge de Woodstock, avec les avenues qui y conduisaient. « Attention ! il faut nous y rendre en deux corps et à pied, avec le moins de bruit possible… Tu te dirigeras sur les derrières de cette vieille maison d’iniquité avec deux compagnies de vingt hommes, et tu les placeras tout autour de ton mieux. Emmène avec toi ce révérend homme. Il faut s’en assurer, en tous cas, et d’ailleurs il peut te servir de guide. Moi-même je m’emparerai des de-