Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/419

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conjecture lui paraissait la plus probable de toutes ; et elle se représentait constamment à sa pensée. L’espoir que Tomkins allait paraître l’engageait toujours à rester au village, inquiet de ne pas recevoir de nouvelles de son émissaire, et craignant de compromettre le succès de l’entreprise par une démarche inconsidérée.

Cependant il disposait tout pour n’apporter aucun retard à la réalisation de son projet. Il avait ordonné à la moitié de ses cavaliers de mettre pied à terre et de conduire leurs chevaux à l’écurie ; les autres reçurent l’ordre de tenir leurs chevaux sellés, et d’être prêts à monter à cheval à la minute même. Ces hommes entrèrent dans la maison successivement, et prirent quelque nourriture ; une garde suffisante restait pendant ce temps-là auprès des chevaux : on la relevait de temps en temps.

Cromwell, en proie à cette cruelle incertitude, jetait souvent un regard soupçonneux sur le colonel Éverard, qui, à ce qu’il supposait, aurait pu, s’il l’avait voulu, remplacer son émissaire. Éverard était calme, aucune trace d’émotion sur le visage, ne faisant paraître ni inquiétude ni abattement.

Enfin minuit sonna, et il devint nécessaire de prendre un parti décisif. Tomkins pouvait avoir trahi, ou, ce qui approchait plus de la réalité, son complot pouvait avoir été découvert, et lui-même assassiné ou pendu par les royalistes pour le punir de sa perfidie.

En un mot, si l’on voulait tirer parti de l’occasion offerte par la fortune de s’emparer du plus redoutable prétendant au pouvoir souverain, que Cromwell convoitait déjà depuis long-temps, il n’y avait plus de temps à perdre. Il ordonna donc à Pearson de faire mettre son monde sous les armes ; il lui donna par écrit ses instructions sur la manière de former le bataillon. On devait marcher dans le plus grand silence possible, ou, pour se servir de ses propres expressions, « comme Gédéon marchait en silence quand il s’avança vers le camp des Madianites, n’ayant avec lui que Phurah son serviteur. Peut-être, » continuait cette pièce singulière, « apprendrons-nous de quoi ces Madianites ont rêvé. »

Une seule patrouille, composée d’un caporal et de cinq hommes intrépides et expérimentés, formait l’avant-garde du détachement. Une arrière-garde de dix hommes entourait Éverard et le ministre. Cromwell voulut que le premier l’accompagnât, comme s’il pouvait être nécessaire de l’interroger ou de le confronter avec les habitants de la Loge. Quant à maître Holdenough, il l’emmena, parce que, s’il fût resté à Woodstock, il aurait pu s’évader, et peut-être