Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/422

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être une ruse de Satan, » dit le caporal Hungudgeon d’une voix nasillarde ; « il a de bien grands pouvoirs dans le parc, et depuis long-temps. — Avec la permission de Votre Idiotisme, vous êtes un âne, » lui répondit Cromwell ; mais aussitôt, se rappelant que le caporal avait été un des excitateurs ou tribuns des soldats, et qu’en conséquence il fallait le traiter avec des égards convenables, il ajouta : « Néanmoins si c’est le diable, avec l’aide du Seigneur, nous lui résisterons, et l’esprit de ténèbres fuira devant nous, Pearson, » dit-il, reprenant son laconisme militaire, « prends huit hommes, et vois ce qu’il y a là ; non… les coquins t’abandonneraient. Marche droit sur la Loge… investis-la de la manière dont nous sommes convenus ; fais en sorte qu’aucun oiseau ne puisse s’en échapper… Forme un double cercle de sentinelles au dedans et au dehors, mais ne donne pas d’alarme jusqu’à ce que je sois de retour. S’ils font quelque tentative pour s’évader, tue-les. » Il prononça cet ordre avec une énergie terrible. « Tue-les sur la place, répéta-t-il, n’importe qui que ce soit : cela vaut mieux que d’embarrasser la république de prisonniers. »

Pearson l’entendit, et se mit en devoir d’exécuter les ordres de son général.

De son côté, le futur Protecteur disposait la petite troupe qu’il avait gardée, de manière à ce qu’elle pût approcher en même temps dans diverses directions de la lumière qui excitait ses soupçons ; il donna l’ordre de s’avancer aussi près que possible, en prenant soin de ne pas s’écarter les uns des autres, et de se tenir prêts à se précipiter au même moment qu’il en donnerait le signal, qui consistait en un fort coup de sifflet. Voulant s’assurer de la vérité par ses propres yeux, Cromwell, qui avait, par inspiration naturelle, les ressources d’un vieux soldat, tandis que chez d’autres elles sont le fruit de l’éducation des camps et de l’expérience, se mit en marche vers l’objet de sa curiosité. Il se glissa d’arbre en arbre, avec le pas léger et la sagacité pénétrante d’un chasseur indien ; et, avant qu’aucun de ses gens ne se fût approché si près, il aperçut, à la clarté d’une lanterne posée à terre, deux hommes qui paraissaient avoir creusé à la hâte une espèce de fosse. À côté d’eux, quelque chose était étendu à terre, enveloppé dans la peau d’un daim, et ce quelque chose ressemblait fort au corps d’un homme mort. Ils s’entretenaient à voix basse, mais assez haut pour que leur dangereux auditeur pût parfaitement entendre ce qu’ils disaient.

« Enfin, dit le premier, c’est achevé. Voilà la plus difficile et la