Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/434

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Respect pour ton haut rang, comme honneur par semblant,
Au diable même assis sur son trône brûlant ;


je sens que ma patience se lasse. »

Cromwell parla à l’oreille d’un caporal, qui, à son tour, donna des ordres à des soldats, qui quittèrent la chambre.

« Tenez le chevalier à l’écart ; nous interrogerons cette jeune fille, dit le général. As-tu vu, dit-il à Phœbé, un certain Louis Kerneguy, se disant page écossais, qui est venu ici il y a peu de jours ? — Certainement, monsieur, je ne l’ai pas oublié, et je vous assure qu’une fille de bonne mine qui se trouvera sur son chemin ne l’oubliera pas plus que moi. — Ah, vraiment ! je crois que la jeune fille sera plus véridique. Quand a-t-il quitté cette maison ? — Je ne m’inquiète pas de ce qu’il fait ; car je suis trop contente quand je puis éviter de le rencontrer. Je ne sais s’il est parti maintenant, mais je pourrais vous affirmer qu’il était ici il y a quelques heures. Il a passé près de moi dans le corridor qui conduit du vestibule à la cuisine. — Comment avez-vous su que c’était lui ? — J’en ai eu une preuve assez convaincante ; là, monsieur, pourquoi me faire de pareilles questions ? » répondit Phœbé en baissant la tête.

Humgudgeon prit alors la parole avec la liberté d’un coadjuteur : « Véritablement si cette fille doit dire quelque chose d’inconvenant, je demande à Votre Excellence la permission de me retirer, de peur que mes méditations de la nuit ne soient troublées par de telles paroles. — Ce vieillard me fait pitié ; qui parle de décence ou d’indécence ? Maître Louis ne m’a pris qu’un baiser ; c’est la vérité, et il faut la dire. »

Humgudgeon poussa un gémissement, et Cromwell retint à grand’peine un éclat de rire. « Tu nous as donné d’excellentes preuves, Phœbé, lui dit le général ; et si c’est la vérité, tu auras ta récompense. Voici notre envoyé qui revient de l’écurie. — Il n’y a pas la moindre apparence qu’il y ait eu des chevaux dans l’écurie depuis un mois. Il n’y a ni litière sur le pavé, ni foin dans les râteliers, les coffres à avoine sont vides, et les mangeoires remplies de toiles d’araignée. — Oui, oui, dit le vieux chevalier ; il y eut un temps où j’avais vingt bons chevaux dans mon écurie, ainsi qu’un nombre suffisant de palefreniers et de garçons d’écurie pour en avoir soin. — En attendant, l’état présent de votre écurie ne confirme guère ce que vous nous avez dit, qu’il y avait ce matin des chevaux sur lesquels ce Kerneguy et votre fils ont pris la fuite pour échapper à notre justice. — Je n’ai point dit que les chevaux fussent en