Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/464

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cerne les autres obstacles à ce mariage, qui pourraient exister indépendamment de ceux qui peuvent avoir rapport à nos intérêts. En foi de quoi, nous avons signé ces présentes, comme un témoignage de notre reconnaissance de vos bons services tant envers le feu roi notre père, qu’envers nous-même.

C. R. »

Sir Henri resta si long-temps, et avec tant d’attention, les yeux fixés sur cette lettre, qu’on eût pu croire qu’il l’apprenait par cœur. Enfin, il la plaça dans son portefeuille, et demanda à Alice la suite de ses aventures de la nuit précédente. Elle les raconta en peu de mots. Leur course nocturne à travers le parc s’était terminée heureusement et promptement. Après avoir vu Charles et son compagnon se mettre en route, elle avait pris quelque repos dans la chaumière, où elle les avait quittés. Le matin, elle avait appris que le château de Woodstock était occupé par des soldats ; de sorte qu’elle ne pouvait plus y retourner sans péril, ou du moins sans s’exposer à des soupçons et à des questions.

Elle avait donc renoncé à ce projet, et elle s’était retirée dans le voisinage, chez une dame d’une loyauté connue, dont le mari avait servi comme major dans le régiment de sir Henri, et avait été tué à la bataille de Naseby. Mistress Aymer était une femme entendue, et, d’ailleurs, la nécessité de ces temps civilisés semblait avoir développé les talents de chacun pour les intrigues et les stratagèmes. Elle envoya un domestique fidèle s’assurer de ce qui se passait à la Loge ; dès qu’il eut vu que les prisonniers avaient été mis en liberté, et se fut assuré du lieu où le chevalier allait passer la nuit, il vint sur-le-champ instruire sa maîtresse, et par son ordre, il accompagna Alice à cheval jusqu’à la nouvelle demeure de son père.

Jamais peut-être souper ne fut aussi silencieux que celui que l’on fit après le retour d’Alice ; chacun des convives étant absorbé par ses propres sentiments et ne sachant comment deviner ceux des autres. Enfin arriva l’heure où Alice obtint la permission de se retirer pour aller prendre du repos après une journée aussi fatigante. Éverard lui offrit la main jusqu’à la porte de son appartement. Il allait lui même se retirer dans le sien, quand, à son grand étonnement, son oncle le rappela, lui fit signe de s’asseoir ; et lui présentant la lettre du roi, il fixa sur lui des regards scrutateurs pendant qu’il la lisait. Si cette lecture ne lui causait un transport de joie, il était bien décidé à désobéir aux ordres du roi plutôt que de sacrifier Alice à un homme qui n’accepterait pas sa main comme le plus