Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/57

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terribles représailles. Il faut avouer aussi qu’il y avait dans l’indépendant quelque chose de si sombre et de si mystérieux, de si sévère et de si grave, que l’esprit peu pénétrant du garde se trouvait gêné ; et s’il n’avait pas peur, il ne savait du moins que penser du soldat. Il jugea donc que le parti le plus prudent et le plus sûr, pour son maître comme pour lui, était d’éviter tout sujet de dispute et de mieux étudier son antagoniste avant de le traiter en ami ou en ennemi.

La grande porte de la Loge était solidement fermée ; mais le guichet s’ouvrit dès que Jocelin eut pressé le loquet. Ils se trouvèrent alors dans un étroit passage de dix pieds, fermé jadis par une herse à l’extrémité intérieure, tandis que trois meurtrières pratiquées de chaque côté permettaient de tenir en respect l’assiégeant audacieux qui, après avoir surpris la première porte, devait aussi être exposé à un feu terrible avant de pouvoir forcer la seconde. Mais les ressorts de la herse n’étaient plus en état, et elle ne bougeait plus, présentant seulement ses dents bien garnies de griffes en fer, mais inutiles pour servir d’obstacle à l’invasion des ennemis.

Ce passage conduisait droit à la grande salle ou vestibule extérieur de la Loge. Une extrémité de ce long et noir appartement était occupée par une galerie où l’on plaçait autrefois les musiciens et les ménestiels. À chacun des deux bouts était un escalier grossièrement bâti et fermé par d’énormes troncs d’arbre d’un pied carré. Au bas de ces deux escaliers se trouvaient, en guise de sentinelles, deux statues de fantassins normands, avec un casque à visière levée sur la tête, qui laissait apercevoir des traits aussi durs que le génie du sculpteur avait pu l’imaginer. Les armes étaient un justaucorps de buffle, ou des cottes de mailles et des boucliers ronds avec une pointe au milieu ; et des bottines ornaient et défendaient les pieds et les jambes, mais laissaient les genoux à découvert. Ces soldats de bois avaient en main de grandes épées ou des masses d’armes, comme de véritables soldats en faction. Beaucoup de crochets et d’anneaux vides autour de ce sombre appartement indiquaient les endroits d’où les armures, conservées long-temps comme des trophées, avaient été, pour satisfaire aux besoins de la guerre, encore une fois détachées pour reparaître sur le champ de bataille comme des vétérans que l’imminence du péril rappelle au combat. À d’autres clous rouillés pendaient encore en grand étalage les trophées de chasse des monarques à qui la Loge avait appartenu