Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/106

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Soit modestie, soit dissimulation, M. le cardinal parut toujours aussi contraire que la Reine à l’attachement que le Roi avoit pour ma sœur. Aussitôt que le mariage d’Espagne fut conclu5, il n’eut rien de plus pressé que de l’éloigner, de peur qu’elle n’y apportât de l’obstacle. Il nous envoya, quelque temps après le retour de Lyon, l’attendre à Fontainebleau. De là, il nous mena à Poitiers, où il lui donna le choix de se retirer où il lui plairoit. Elle choisit la Rochelle ; et M. le cardinal, qui vouloit la dépayser encore davantage, lui fit enfin proposer à Brouage, par M. de Fréjus, d’épouser M. le connétable ; mais elle le refusa, n’étant pas encore attirée en Italie par ce qui l’y attira depuis. Il avoit résolu de mener Mme de Bouillon et moi au mariage, mais ma sœur la connétable s’étant obstinée à ne nous laisser pas aller, quand il nous envoya quérir, si elle n’y alloit aussi, il aima mieux se priver du plaisir de nous y voir, que de la laisser venir avec nous. Au retour de la frontière6, on nous fit venir à Fontainebleau où la Cour étoit. Le Roi traita ma sœur assez froidement, et son changement commença de la résoudre à se marier en Italie. Elle me prioit souvent de lui en dire le plus de mal que je pourrois. Mais outre qu’il étoit assez difficile d’en trouver à dire d’un Prince fait comme lui, et qui vivoit parmi nous avec une familiarité et une douceur charmante, l’âge de dix ans, où j’étois alors7, ne me permettoit pas de bien com-


5. En 1659.

6. C’est-à-dire de l’entrevue des deux Rois en 1660.

7. L’abbé de Saint-Réal se trompe ; la duchesse Mazarin avoit treize ans, en 1650.