Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le Parlement donna un arrêt par lequel il fut permis à M. Mazarin de me faire arrêter, quelque part que je fusse. Tous mes parents signèrent en même temps un écrit entre ses mains, pour prier conjointement M. le Connétable, qui s’en moqua, de ne me pas recevoir. On avoit pourtant joint des lettres scandaleuses à cet écrit, et je reçus en même temps un courrier particulier qui venoit m’en faire des excuses de la part de Mme la Comtesse, mais de bouche seulement. J’avoue que ma confiance ne fut pas à l’épreuve d’un si rude coup ; je tombai dans une mélancolie extraordinaire, et des démarches si violentes ne me laissant aucune espérance d’accommodement, je ne songeai plus à aller à Bruxelles.

Mon frère arriva sur ces entrefaites ; mais au lieu de me consoler, il commença bientôt une autre persécution contre moi, d’autant plus cruelle, qu’elle avoit un fondement fort spécieux. Je devois renvoyer Courbeville, quand je serois à Milan ; mais ayant appris la procédure criminelle qu’on avoit faite à Paris, et dans laquelle il étoit enveloppé, il se jeta à mes genoux, et me représenta qu’il ne pouvoit retourner près de son Maître sans porter sa tête sur un échafaud et que n’ayant pas de quoi subsister ailleurs, il était réduit à la dernière nécessité, si je le congédiois. Ce gentilhomme m’avoit servie si utilement, que je ne crus pas pouvoir l’abandonner sans une extrême ingratitude. Je lui donnai ma parole de le garder tant qu’il voudroit, et les cruels déplaisirs qui m’arrivèrent depuis, pour l’avoir tenue, ne m’ont point encore persuadée que je ne fusse pas obligée de la donner. Nanon et Narcisse, enragés de ce que je le gardois, l’accusèrent d’avoir parlé fort