Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/151

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être, parce que ma sœur s’y plaisoit, me promit toutes choses pour m’emmener à Rome : qu’il me répondoit du Pape, et qu’il n’y oublieroit rien pour soulager le noir chagrin où j’étois plongée. Me voyant si cruellement brouillée avec mon frère, je crus devoir ménager l’amitié du Connétable, par ma complaisance. Nous allâmes tous à Sienne, chez le cardinal Chigi, d’où au bout de trois semaines mon frère, s’étant brouillé avec nous, s’en retourna à Venise sans dire adieu, et nous prîmes le chemin de Rome. Les chaleurs y étoient si grandes que nous fûmes contraints d’en sortir, pour aller demeurer six semaines à Marine, maison de plaisance de M. le Connétable. En même temps que nous en revînmes, mon frère arriva, et avec lui un gentilhomme de la part de M. de Rohan, pour faire, à ce qu’on me dit, assassiner Courbeville.

J’appris que, s’étant trouvé fort mal à Venise, il avoit cru être empoisonné ; que dans ce désespoir il avoit écrit des lettres épouvantables à Paris contre mon frère, et contre M. de Rohan, qu’il croyoit d’intelligence avec mon frère, pour le faire chasser d’auprès de moi ; que ces lettres avoient été surprises par M. de Rohan, et qu’il les renvoyait à mon frère, pour en faire la punition qu’elles méritoient. Le peu de conduite de Courbeville, l’éclat désagréable que cette affaire faisoit dans le monde, et le désir du repos, me firent à la fin résoudre de m’en défaire, jugeant bien qu’il me rendroit volontiers la parole que je lui avois donnée. Tout ce que je demandai au fils aîné du président de Champlâtreux, qui négocioit entre nous, fut seulement, que mon frère n’exigeât pas de moi cette déférence avec