Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/153

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conter à son maître qu’il y avoit deux jours que je n’avois bu, ni mangé. Le cardinal Chigi en fut touché de pitié, et le cardinal Mancini lui ayant répondu que M. Mazarin souhaitait que je fisse une retraite de quinze jours dans un couvent, où il y avoit une sœur de M. le cardinal Mazarin : je le pris au mot. Mon frère et ma sœur, voyant le déplorable état où j’étais, commencèrent à faire réflexion sur leur conduite passée, et n’eurent point de repos que je ne leur eusse pardonné. Je ne voulois pourtant point voir mon frère ; mais, à la fin, ils gagnèrent encore ce point sur ma résolution, et quoique je visse bien que leurs remords ne réparoient pas l’outrage qu’ils avoient fait à ma réputation, la facilité de mon naturel l’emporta encore cette fois sur le plus juste de tous les ressentiments. Je vous avoue que le cœur me serre à ce récit. Je ne connois rien de plus cruel dans la vie, que de voir revenir de bonne foi les gens à nous, après qu’ils nous ont fait des injures mortelles. C’est bien assez de ce qu’on a souffert d’eux, sans partager encore la douleur de leur repentir. Cette réflexion et plusieurs autres, que j’avois sujet de faire, me firent résoudre à retourner en France, à la merci de M. Mazarin, et sans aucune condition, plutôt que de demeurer encore exposée à de nouvelles aventures aussi cruelles que celles qui m’étoient arrivées. J’en fis écrire à la princesse de Conti par ma tante Martinozzi sa mère, et je me disposai à partir aussitôt que la réponse seroit venue. Peu de jours après, Courbeville trouva, je ne sais comment, le moyen de me faire savoir : qu’après avoir été gardé quelques jours chez le cardinal Mancini, on l’avoit conduit à