Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/160

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J’avois fait dessein de ne voir personne, en France. Grillon, qui prétendoit être excepté, à cause du service qu’il m’avoit rendu, à Rome, dans l’affaire de mes pierreries, vint une fois au Lys, avec Mme la Comtesse, au commencement que j’y fus ; mais je ne le voulois plus voir depuis. Le dépit qu’il en eut le transporta à un point incroyable. Pendant que j’étois à Nevers, attendant le commissaire tous les jours, l’intendant de mon frère me faisoit demeurer, pour plus grande sûreté, dans la tour d’un couvent qui tient au château. Comme il n’avoit pas des gens de reste, pour me servir, il mit près de moi un garde de mon frère, qui avoit été chassé depuis peu, pour quelque sujet assez léger. Ce garçon me servit le mieux qu’il put, afin que j’obtinsse son pardon, et je lui permis de me suivre, au Lys ; dans cette espérance. Un fripon de cuisinier que j’avois, pour se faire fête à Grillon qui l’avoit corrompu, s’en va lui dire : que ce misérable se rendoit nécessaire auprès de moi, et qu’il entroit quelquefois dans le couvent. Grillon, sans autre examen, va publier cette belle affaire partout ; jusque-là, que quand j’arrivai à Paris, Mme Colbert ne voulut pas que l’homme dont il étoit question entrât à ma suite, chez elle. Jugez de mon étonnement quand j’en sus le sujet, avec quelle promptitude je chassai ce nouvel officier, quel ressentiment je dus avoir de la méchanceté de Grillon, et si je fus surprise, en repassant à Lyon, de le voir oser revenir, à la faveur d’une lettre de mon frère qui me prioit de tout oublier. La froideur avec laquelle je le traitai, ne fit que l’animer davantage. Il apprit, en arrivant à Rome, que M. de Marsan me voyoit quelquefois ; et après mille extra-