Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/176

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vos raisons ; elles faisoient leur impression sur mon esprit avec toute la force de la vérité, et s’insinuoient dans mon cœur avec tous vos charmes. Le cœur doux et tendre comme il est, a une opposition naturelle à l’austérité de la raison. La vôtre a trouvé un grand secret : elle porte des lumières dans les esprits, et inspire en même temps de la passion dans les cœurs. Jusqu’ici, la raison n’avoit pas été comptée entre les appas des femmes : vous êtes la première qui l’ait rendue propre à nous donner de l’amour. Sans vous, Madame, les vérités que nous cherchons nous auroient paru bien dures. La vérité qu’on a bannie du commerce comme une fâcheuse, et qu’on a cachée au fond d’un puits comme une séditieuse qui troubloit l’univers, cette vérité change de nature dans votre bouche, et n’en sort que pour vous concilier généralement tous les esprits. Vous la rétablissez dans le monde avec une pleine satisfaction de tous ceux qui vous entendent.

Ce n’est pas, Madame, que vous n’ayez votre part de la malignité de la nature. Vous avez quelquefois des desseins formés de nous choquer. Sans être trop pénétrant, on découvre la malice de vos intentions ; mais vos charmes sont au-dessus de ces intentions malicieuses. Vous plaisez, lors même que vous avez envie de déplaire ; et de toutes les choses que vous