Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/216

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qu’elle avoit fait. Voilà, Madame, les héroïnes qu’il faut imiter ; non pas les Didon et les Thisbé, ces misérables qui ont déshonoré l’amour par l’extravagance désespérée de leur passion. Mais que pensez-vous faire par vos regrets ? Pleurer un mort, n’est pas pleurer un amant. Votre amant n’est plus que le triste ouvrage de votre imagination : c’est être amoureuse de votre idée ; et l’amante d’Alexandre2 est aussi excusable dans sa vision, que vous dans la vôtre, puisqu’un homme mort aujourd’hui, n’a pas plus de part au monde que ce conquérant.

Votre amant est enseveli ;
Et dans les noirs flots de l’oubli,
Où la Parque l’a fait descendre,
Il ne sait rien de votre ennui ;
Et ne fût-il mort qu’aujourd’hui,
Puisqu’il n’est plus qu’os et que cendres,
Il est aussi mort qu’Alexandre,
Et vous touche aussi peu que lui3.

C’est donc vous qui faites le sujet de vos larmes ; vous qui trop fidèle à vos douleurs, tâchez vainement de rétablir ce que la nature a su détruire.

Quittez de ce trépas l’inutile entretien ;
Abandonnez un deuil si fatal à vos charmes ;


2. Voy. les Visionnaires de Desmaretz.

3. Parodie de l’Ode de Théophile à M. de L. sur la mort de son père.