Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/217

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Celui que vous pleurez aujourd’hui n’est plus rien,
Et c’est yous qui formez le sujet de vos larmes.
Votre âme, d’un amas de lugubres esprits,
Compose un vain objet dont elle est possédée ;
Elle retrace en soi les traits qu’elle a chéris,

Et prête à sa douleur une funeste idée.

Je vous dis les meilleures raisons du monde en prose et en vers : mais plus je prends de peine à vous consoler, et plus je vous trouve inconsolable. Depuis Artemise, et Mme de Montmorency, fameuses en regrets, et célèbres toutes deux par leurs mausolées, on n’a point vu d’affliction pareille à la vôtre. Il est vrai qu’elle vous a été comme ordonnée par l’intendante de vos déplaisirs4. Il n’y a pas de moment que la Doloride5, cette apparition assidue, ne s’approche de votre oreille, pour vous dire des nouvelles de l’autre monde : il n’y a point de secret qu’elle n’emploie pour entretenir dans votre âme l’amour des morts et la haine des vivants. Tantôt c’est un air triste et désolé ; tantôt un discours funeste ; quelquefois, pour la variété de la mélancolie, un


4. Mme de Ruz, que M. Mazarin avoit envoyée à Londres, avec quelques jeunes dévotes, pour engager Mme Mazarin à se retirer dans un couvent, comme on l’a vu dans l’Histoire de Saint-Évremond, 2e partie.

5. Voy. l’Histoire de don Quichotte, seconde partie, chap. xxxvi et suiv.