Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/101

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siècle tout le monde en a parlé. Ils étoient les gourmands les plus déterminés de leur époque.

Guy de Laval avoit de qui tenir ; il étoit le neveu du commandeur de Souvré ; et, disons-le tout bas, pour n’être pas entendu de M. Cousin, il étoit le fils de cette grande dame marquise de Sablé, connue elle-même de tout Paris par un goût pour la bonne chère, dont ce drôle de Tallemant a raconté des traits qui ne peuvent être de son invention. Saint-Évremond ne le cédoit en rien à la race sensuelle des Souvré, et, pécheur moins pénitent que Mme de Sablé, gourmand il est resté jusqu’à sa mort. Il suffirait pour juger de ses vices délicats, à cet égard, de lire une charmante lettre qu’on trouvera dans notre troisième volume, à l’adresse du comte d’Olonne, illustré par une autre réputation, commune hélas ! à bien d’honnêtes gens, mais amateur très-déclaré de bonne table, comme ses deux amis. Tous trois se rendirent célèbres, à Paris, par leur sensualité en fait de mets. N’attribuons pas, toutefois, leur recherche à un grossier appétit ; c’étoit de l’art, c’étoit l’application de la finesse de l’esprit à la finesse de la bouche ; c’étoit le côté gastronomique de la philosophie épicurienne, dont ces trois amis faisoient profession, et à laquelle je soupçonne Mme de Sablé d’avoir elle-même sacrifié, en son temps, comme bien d’autres, avant que Port-Royal eût pieusement transformé son âme. Quoi qu’il en soit, on nomma nos trois gourmets les trois coteaux, nom qui a fait bruit dans le dix-septième siècle ; et voici comment Des Maizeaux, le plus instruit de tous ceux qui en ont parlé, parce qu’il a été le mieux placé