Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/142

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pour avoir dit des impiétés abominables, et que sa sœur fut enfermée à l’hôpital général. L’opinion se souleva contre ces rigueurs. Lorsque le poète Théophile fut menacé, les Montmorency lui donnèrent asile, à Chantilly, et obtinrent plus tard sa liberté. Il fallut se borner à l’autorité de l’esprit, pour avoir raison des licences de l’esprit.

L’étude passionnée de l’antiquité classique, à laquelle s’étoit livré le seizième siècle, avoit ouvert à l’esprit des horizons nouveaux, tout en exerçant une grande influence sur la liberté des mœurs. Le commerce des anciens avoit fait abandonner la scolastique. Or, la scolastique, c’étoit la philosophie chrétienne. Le pyrrhonisme s’établit sur ses ruines. Il étoit même naturel que la familiarité de la société païenne fît naître l’inclination à l’imiter. Aussi voyons-nous, à cette époque, l’imitation des anciens passer dans les pratiques habituelles de la vie, chez les esprits cultivés, en tout ce qui n’étoit pas ouvertement incompatible avec la profession obligée de la foi chrétienne. Les maximes et les exemples de l’antiquité grecque et romaine furent allégués à tous propos, comme l’avoient été les saintes écritures, au moyen âge ; et le pédantisme qui nous semble aujourd’hui un ridicule du seizième siècle, n’étoit, en vérité, que l’effet de la préoccupation qui absorboit les idées. Dans les maisons de certains érudits, comme les Estienne, on ne parloit que latin, même aux gens de service. Les beaux esprits composoient des vers grecs, avec autant de facilité que des vers françois. Une portion de la société polie et lettrée étoit devenue grecque et romaine ; et cette façon de vivre s’est prolongée jusqu’au dix-