Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/155

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un livre auquel l’originalité de son titre a valu, autant au moins que l’esprit singulier de son auteur, une retentissante célébrité4. Pour les cartésiens, le scepticisme n’est qu’un instrument de la recherche de la vérité, un moyen de trouver la certitude, après avoir écarté la terre mouvante qui la cache. Tous séparent la foi de la raison, mais avec des intentions diverses : les premiers, pour se délivrer seulement d’un embarras qui les gêne ; les cartésiens, pour faire de la raison épurée un auxiliaire de la foi, considérant la raison et la foi comme deux intuitions différentes de la vérité éternelle, comme deux ordres parallèles de révélation, ayant chacune leur objet et leur certitude, mais cependant subordonnées l’une à l’autre. Le scepticisme théologique poursuit un autre but ; il sépare aussi la raison de la foi, mais pour anéantir la raison dans le doute, et montrer à l’esprit qu’il n’a d’espérance que dans la foi. La raison ne conduira l’esprit qu’à la probabilité ; la foi seule peut le mener à la certitude. Argumentation captieuse et téméraire ! pleine de péril pour la foi, comme pour la raison, et qu’a reproduite, au dix-neuvième siècle, le plus célèbre et le plus éloquent des adeptes d’une nouvelle philosophie religieuse.

La Bruyère signale aussi l’influence des voyages, comme une des causes de la corruption des esprits, en matière de religion, au dix-septième siècle, ainsi qu’elle l’avoit été au seizième. Faisant allusion à


4. Voy. les Recherches sur les vertus de l’eau de goudron, par Georges Berkeley, trad. de l’anglais en françois. Amsterdam, 1745, in-12.