Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/159

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de l’Église gallicane vous en mettront à couvert ; alors Sa Sainteté ne sera ni infaillible, ni arbitre souveraine de votre foi ; là, elle ne disposera ni des États des princes, ni du royaume des cieux, à sa volonté ; là, devenus assez Romains, pour révérer avec une soumission légitime son caractère et sa dignité, il vous suffira d’être François pour n’avoir pas à craindre sa juridiction. » Ainsi parloit Saint-Évremond dans son exil, à un pasteur célèbre par sa science et son autorité, quatre ans avant la révocation de l’édit de Nantes.

Vers ce temps-là, Saint-Évremond avoit recommandé la tolérance aux catholiques, dans des termes qui convenoient alors, pour la faire accepter, ou du moins pour lui donner crédit. Il écrivoit, la veille des dragonnades, et dans une lettre célèbre qui fut livrée à la publicité par le maréchal de Créqui : « Dans la diversité des créances qui partage le christianisme, la vraie catholicité me tient, à elle seule, autant par mon élection, si j’avois encore à choisir, que par habitude, et par les impressions que j’en ai reçues. Mais, cet attachement à ma créance ne m’anime point contre celle des autres, et je n’eus jamais ce zèle indiscret qui nous fait haïr les personnes, parce qu’elles ne conviennent pas de sentiment avec nous. L’amour-propre forme ce faux zèle, et une séduction secrète nous fait voir de la charité pour le prochain, où il n’y a rien qu’un excès de complaisance pour notre opinion.... La feinte, l’hypocrisie dans la religion, sont les seules choses qui doivent être odieuses ; car, qui croit de bonne foi, quand il croiroit mal, se rend digne d’être plaint, au lieu de mériter qu’on le persécute.