Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/160

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L’aveuglement du corps attire la compassion. Que peut avoir celui de l’esprit, pour exciter la haine ? Dans la plus grande tyrannie des anciens, on laissoit à l’entendement une pleine liberté de ses lumières ; et il y a des nations, aujourd’hui, parmi les chrétiens, où l’on impose la loi de se persuader ce qu’on ne peut croire. Selon mon sentiment, chacun doit être libre dans sa créance, pourvu qu’elle n’aille pas à exciter des factions qui puissent troubler la tranquillité publique. Les temples sont du droit des souverains : ils s’ouvrent et se ferment, comme il leur plaît ; mais notre cœur en est un secret, où il nous est permis d’adorer leur maître, comme nous l’entendons. »

Quant à l’union du scepticisme avec l’épicuréisme, on l’entrevoit déjà dans Montaigne. Elle se manifeste ouvertement dans Gassendi, qui en est comme le consécrateur. Je m’autorise, à cet égard, d’un témoignage irrécusable, celui de Bayle, qui attribue à l’apologiste de la morale d’Épicure, à Gassendi, l’honneur d’avoir mis le scepticisme à la portée de tout le monde, et d’avoir fait connoître à ses contemporains des sources de doctrine pyrrhonienne, auparavant inconnues. De son côté, le sceptique La Mothe le Vayer ne se borne pas à la profession du pyrrhonisme, il invoque en même temps Épicure, et s’en rapporte au livre célèbre de Gassendi. Un autre sceptique, Naudé, l’ami, le défenseur du cardinal Mazarin, appelle Gassendi l’unique oracle de la philosophie de son siècle. Toute la jeunesse de ce temps s’étoit éprise d’Épicure ; Molière traduisoit Lucrèce en vers françois, pendant que son ami Hesnault, dont il nous est resté quelques beaux