Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/162

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d’Épicure : ce fut Habert de Montmor, d’une famille de robe puissante, riche, et très-lettrée, conseiller au parlement de Paris, et mort doyen des maîtres des requêtes, en 1679. Il jouissoit d’une fortune qui ajoutait à sa considération, par l’usage généreux qu’il en faisoit. Ses relations étaient très-étendues dans tous les rangs de la société : les Sévigné lui étaient fort attachés. On ne s’explique pas comment le nom d’un homme de cette importance a été omis dans nos biographies les plus accréditées. Une assemblée de gens de lettres se réunissoit chez lui une fois par semaine ; il étoit leur Mécène, et leur réunion formoit une sorte d’académie, à l’instar des autres de ce temps. Elle étoit un foyer de philosophie épicurienne. Gassendi accepta l’hospitalité d’Habert de Montrnor, y vécut plusieurs années, et y mourut. Ce philosophe n’eut pas dans la société parisienne, d’apologiste plus influent, ni plus zélé que Montmor, par les soins duquel les œuvres de Gassendi furent réunies et imprimées à Lyon, en même temps qu’un monument fut élevé à sa mémoire. Montmor composa un nouveau De rerum natura, demeuré inédit, mais dont les contemporains ont parlé avec beaucoup d’éloges : Huet eut, avec lui, d’intimes relations. Comme Montmor, Guy Patin vénère Gassendi. « Il méritoit, dit-il, de vivre encore cent ans. » Gassendi fut, en effet, pendant un quart de siècle un des maîtres de l’opinion, à Paris. La reine Christine lui écrivoit souvent ; il fallut longtemps à Descartes pour prendre, dans les esprits, la supériorité sur Gassendi.

Voilà comment une philosophie demi-païenne se fit jour, s’établit, et entraîna une partie de la société polie