Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/170

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l’Église eux-mêmes, saint Augustin parle d’Épicure comme d’un voluptueux abandonné à la sensualité ; saint Jérôme, au contraire, le propose en exemple aux chrétiens, pour les détourner de la dissolution. Saint-Évremond entend Épicure d’une façon moyenne, mais qui se rapproche de celle de saint Jérôme. « La nature, dit-il, porte tous les hommes à rechercher leurs plaisirs ; mais ils les recherchent différemment, selon la différence des humeurs et des génies. Les sensuels s’abandonnent grossièrement à leurs appétits, ne se refusent rien de ce que les animaux demandent à la nature. Les voluptueux reçoivent une impression sur les sens, qui va jusqu’à l’âme. Je ne parle pas de cette âme purement intelligente, d’où viennent les lumières les plus exquises de la raison : je parle d’une âme plus mêlée avec le corps, qui entre dans toutes les choses sensibles, qui connoit et goûte les voluptés. L’esprit a plus de part au goût des délicats qu’à celui des autres ; sans les délicats, la galanterie seroit inconnue, la musique rude, les repas malpropres et grossiers. C’est à eux que l’on doit l’erudito luxu de Pétrone, et tout ce que le raffinement de notre siècle a trouvé de plus poli et de plus curieux dans les plaisirs. »

L’influence du scepticisme épicurien au dix-septième siècle ne sauroit donc être méconnue ; et, chose singulière ! comme les épicuriens affichoient peu la prétention de prendre part aux affaires de ce monde, dont ne s’inquiétoit pas leur philosophie, on les tourmenta moins, eux qui nioient tout en religion, que de simples dissidents, au demeurant très-bons chrétiens, tels que les jansénistes, qui s’ingéroient, avec une agitation importune, dans le