Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au jansénisme, dont il redoutait l’ambition, appuya les sceptiques, en secret. Ceux-ci triomphoient donc, et une sorte de faveur publique se manifestoit pour eux. Le P. Garasse déconsidéroit les jésuites, et décréditoit leur polémique. Le désordre avoit pénétré de l’intelligence dans les mœurs, et la psychologie étoit en complète déroute, dans les salons, où tout respiroit le scepticisme. Sans doute, le scepticisme n’étoit point descendu dans les classes inférieures de la société. Là, régnoit encore, non-seulement le respect, mais la foi, souvent la superstition. Un clergé riche, instruit et influent ; des corporations actives et puissantes, entretenoient l’esprit du peuple dans ces dispositions. Mais dans les classes élevées il en étoit différemment, en général. Le catholicisme y conservoit à coup sûr, des croyants sincères. Pour le plus grand nombre, la religion n’étoit qu’une affaire de calcul, ou de conduite, et Corneille n’avoit pris autre part que dans les maximes courantes, les deux vers de Polyeucte, dont j’ai parlé.

Tel étoit l’état des choses, lorsque Descartes prit sa place dans le monde. Le Discours de la méthode est de 1638. Les Méditations sont de 1641. Mais Descartes n’est devenu à la mode que trente ans plus tard. La révolution ne fut donc pas immédiate, il s’en faut ; elle fut lente au contraire, quoique décisive. Elle eut pour acteurs principaux les pieux solitaires de Port-Royal, moins Pascal, que Descartes ne put ramener à la certitude philosophique. Si Pascal n’avoit cru à la révélation, il eût été Montaigne, et bien plus déclaré. Le grand Arnaud proclama donc Descartes comme l’envoyé de la Providence, pour la conversion des esprits à la croyance