Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/18

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noient les manuscrits de ses mains mêmes. Imprimés souvent, à son insu, en France ou en Hollande, après avoir couru, sur copie, les salons et les ruelles de Paris, comme c’étoit l’usage du temps, leur reproduction échappoit à la surveillance de l’auteur, empêché plus tard par l’exil, de se défendre contre les fraudes et les suppositions. Les libraires s’arrachoient les ouvrages présentés sous son nom, les arrangeoient comme ils vouloiont, et lui en supposoient, quand il n’en fournissoit pas. Il écrivoit à Ninon de Lenclos, en 1685 : « J’ai un grand désavantage, en ces petits traités qu’on imprime sous mon nom. Il y en a de bien faits que je n’avoue point, parce qu’ils ne m’appartiennent pas ; et, parmi les choses que j’ai faites, on a mêlé beaucoup de sottises, que je ne prends pas la peine de désavouer. À l’âge où je suis, une heure de vie bien ménagée m’est plus considérable que l’intérêt d’une médiocre réputation. »

On vendoit ces opuscules en forme de petits livrets, introuvables aujourd’hui. En 1668, Barbin en réunit, sans l’aveu de l’auteur, quelques-uns, en un volume rapidement épuisé. Il se donna une plus ample liberté, en 1670 et années suivantes ; et, enhardi par le succès, il y mêla du faux Saint-Évremond. Les contrefaçons hollandoises multiplièrent ces publications subreptices, malgré les réclamations de l’exilé, impuissant pour s’opposer à la reproduction de l’abus, non-seulement à Paris, mais à l’étranger. Est-il étonnant qu’à la longue, cet alliage fâcheux ait émoussé le goût du public abusé ? Les citations même qu’on a faites de ses ouvrages, de son vivant, pour autoriser l’emploi de certains