Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/204

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vant lui pardonner d’être devenu le serviteur de Mazarin, et d’avoir reçu son argent ; et les royalistes ne pouvant se résoudre à donner la main au prince beau d’aspect, peut-être, mais mal élevé, bâtard, félon, et de suspecte bravoure, qui revenoit à la cour et en faveur, à beaux deniers payés, pendant que des princes héroïques, et du sang légitime de France, étaient jetés en prison par une reine espagnole et par un ministre italien.

Cette Apologie du duc de Beaufort eut une assez grande célébrité. La Reine en sut peu de gré à Saint-Évremond : les trahisons ont leur moment de faveur et d’utilité ; mais d’ordinaire l’opinion en fait bientôt justice, et le rôle aussi nouveau qu’irrégulier de Beaufort ne put se soutenir longtemps. Le pamphlet qui le flagelloit obtint donc un certain succès de vogue. Toutefois Saint-Évremond n’a point revendiqué la propriété tout entière de cette satire qui fut composée en collaboration des jeunes seigneurs dont j’ai parlé : un homme de lettres, qui étoit de l’Académie françoise et du nom de Girard, tenant la plume. Saint-Évremond prit cependant à sa rédaction, une part qu’il ne désavoua jamais, et qu’on peut constater facilement dans cet écrit, où sa manière se produit fréquemment en traits marqués. Il n’a pas été compris dans les Œuvres authentiques de Saint-Évremond, lequel, par ménagement pour la maison de Vendôme, avec laquelle il eut d’intimes relations, vers la fin de sa vie, et peut-être pour la duchesse Mazarin dont la sœur avoit épousé le duc de Mercœur7, supprima cette pièce, dans la collec-


7. Voy. Guy Patin, t. I, p. 173.