Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/234

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ble qu’il l’auroit été, du temps de notre belle jeunesse. Peut-être qu’en ce temps là vous eussiez eu plus de mérite. Quoi qu’il en soit, je me porte bien, et si je meurs de cette maladie, ce sera d’une belle épée, et je vous laisse le soin de mon épitaphe. » — Que dites-vous de cette épée, monsieur de Bussy ?

Saint-Évremond n’eût point écrit la lettre soldatesque de Bussy, bien qu’il ait donné, de son côté, d’étranges conseils à Mlle de Kéroualle, et à Mme Mazarin. Saint-Évremond professe l’indulgence et la liberté d’Épicure, mais avec la bienséance française et l’honneur d’un gentilhomme. Vivre selon la nature, voilà son goût et sa loi, mais selon la nature épurée par une délicatesse recherchée et par une galante honnêteté. Sa politesse invariable donne la mesure de la décence de son épicuréisme et de la courtoisie chevaleresque de sa philosophie. Il ennoblit l’inspiration de la nature en la suivant toujours, bien éloigné des habitudes libres qui régnèrent un moment à l’hôtel de Condé, si nous en croyons Tallémant6, et dans plusieurs salons du Marais, par exemple chez Scarron ; bien éloigné aussi, en son éclectisme sensuel et fin, de la grandeur éloquente, et de Pascal et de Descartes ! Dans cette fameuse lettre de Descartes : Sur la nature de l’amour, écrite pour être montrée à la reine Christine qu’elle émut, le sentiment de l’amour se confond avec la passion de l’homme pour l’infini. Que d’élévation, mystérieuse encore, dans ce Discours sur l’amour, découvert et publié


6. Tom. 4. de l’édit. de P. Paris, pag. 304.