Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/256

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nuisible ; je veux que cette bonne volonté soit accompagnée de discrétion et de prudence. L’affection d’un homme ne raccommode point ce que sa sottise a gâté. »

À tout prendre, si Saint-Évremond avoit eu à choisir entre l’amour et l’amitié, il eût donné la préférence à l’amitié. « L’amour, dit-il, est une passion dont le cœur fait d’ordinaire un méchant usage. Le cœur est un aveugle, à qui sont dues toutes nos erreurs : c’est lui qui préfère un sot à un honnête homme ; qui fait aimer de vilains objets, et en dédaigner de fort aimables ; qui se donne aux plus laids, aux plus difformes, et se refuse aux plus beaux et aux mieux faits.

C’est lui, qui pour un nain, a fait courir le monde
                    À l’ami de Joconde.

« C’est lui qui déconcerte les plus régulières ; qui enlève les prudes à la vertu, et dispute les saintes à la grâce. Aussi peu soumis à la règle dans le couvent, qu’au devoir dans les familles ; infidèle aux époux ; moins sûr aux amants ; troublé le premier, il met le désordre et le dérèglement dans les autres : il agit sans conseil et sans connoissance. Révolté contre la raison qui le doit conduire, et mu secrètement par des ressorts cachés qu’il ne comprend pas, il donne et retire ses affections sans sujet ; il s’engage sans dessein, rompt sans mesure, et produit enfin des éclats bizarres, qui déshonorent ceux qui les souffrent et ceux qui les font. »

Voilà un acte d’accusation dans toutes les règles. Ah ! Madame la duchesse Mazarin, qu’aviez-vous fait à ce pauvre Saint-Évremond ? Il reviendroit vo-