Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/286

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lations qu’elle ne surveilloit pas, Mlle de Lorme, la Marion de la postérité, dont le salon, à la place Royale, étoit couru de toute la brillante jeunesse du temps, attira la fille de son ami, Mlle de Lenclos, qui trouva chez elle la séduction de l’esprit jointe à l’entraînement du plaisir. Il se repandit alors que Marion de Lorme avoit conduit la jeune et belle Anne de Lenclos chez le cardinal de Richelieu ; et le rédacteur des mémoires supposés du comte de Chavagnac, s’est fait l’historien hasardeux de cette aventure. Ce qui est plus probable c’est que Ninon, courtisée par de jeunes et hardis poursuivants, commença sa carrière par des intrigues sans conséquence, et à petit bruit, avec deux jeunes hommes dont le nom, révélé par Tallemant, resta inconnu des contemporains ; et avec un financier qui fit un peu plus d’éclat, sans qu’il soit possible de croire à ses succès, lesquels n’ont d’autre garant que la mauvaise langue de des Réaux, dont le récit est encore suspect, par des contradictions nombreuses et par des suppositions que repousse la vie entière de Ninon. Comment concilier, en effet, ce grossier commerce de Coulon, gendre de Mme Cornuel, avec la passion de Ninon pour le brillant d’Andelot, depuis duc de Châtillon, qui, dans la société parisienne, a été proclamé le premier amant heureux de Mlle de Lenclos, ainsi que le témoigne Saint-Évremond lui-même ?

La connoissance et l’amitié de Saint-Évremond date de la même époque, et il paroît que déjà les leçons du jeune philosophe avoient porté leur fruit dans l’âme de la moderne Leontium. En effet, une tradition autorisée, fait honneur à Saint-Évremond