Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/319

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Ninon de Lenclos avoit apprécié la vive intelligence et la forte volonté de Mme Scarron, sans qu’il y eût, au fond, de la sympathie entre leurs personnes, attirées seulement, l’une vers l’autre, et comme séduites irrésistiblement, par leur agrément réciproque ; d’accord sur toutes les choses de l’esprit, séparées sur les questions de conduite ; l’une visant au bonheur par une sensualité délicate, intelligente et sceptique ; l’autre visant au crédit et à la considération, par le respect de tout ce que la première négligeoit.

On sait comment, et à quelle occasion, la jeune Françoise d’Aubigné fut amenée à Paris. Née en 1635, dans les colonies, elle avoit quinze ans de moins que Ninon, qui put prendre, auprès d’elle, quand elle la connut, une allure de protection, qu’elle a conservée pendant longtemps. Où se fit leur connoissance ? Peut-être chez Mme de Lesdiguières ; à coup sûr chez Scarron. Mme de Neuillant, parente de la jeune d’Aubigné, avoit logé rue Saint-Louis, au Marais, et en fréquentoit les salons. Elle y voyoit le chevalier de Méré, alors fort en honneur, dans ces parages, et qui s’étoit donné l’industrie galante de former l’esprit des jeunes femmes. Mme de Sablé lui avoit, dit-on, sacrifié Voiture. Il avoit fait l’éducation de Mme de Clérambaut, et la duchesse de Lesdiguières lui avoit dit un jour : Je veux avoir de l’esprit ; à quoi il avoit répondu : Vous en aurez. Méré parla de la belle Indienne, à la duchesse, et la lui présenta, dans ce célèbre hôtel de la rue de la Cerisaie, où elle tenoit salon. Les Créqui, les Gondi, les beaux esprits de la place Royale, le marquis de Villarceaux, Mlle de Lenclos, Saint-Évre-