Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/322

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lytique, demeura l’amie de son épouse. Tel étoit l’ascendant qu’elle prenoit sur toutes les personnes dont elle étoit connue, même sur celles qui n’étoient point propres à l’amour, comme elle disoit plus tard à Fontenelle, en parlant de Mme de Maintenon.

Après son mariage, Scarron repassa la Seine, et vint se loger rue de la Tixeranderie, où il habita, pendant longtemps, une maison que le tracé de la nouvelle rue de Rivoli a fait disparoître, à peu près à la hauteur de Saint-Gervais. Il retourna plus tard au milieu de son cher Marais, tout près de sa demeure primitive, et rue Neuve-Saint-Louis, où il est redevenu voisin de Ninon et où il est mort le 7 octobre 1660. C’est dans ces deux logis que Mme Scarron a tenu salon pendant les dix années de son mariage.

La société de Scarron nous offre un nouveau type de la vie parisienne, à cette époque, qui est celle de l’influence la plus grande des salons. C’étoit un des foyers de l’esprit satirique, libertin, comme on disoit, dans le sens d’incrédule, et à l’extrême opposé de l’esprit collet-monté des précieuses. Chez Mlle de Lenclos régnoit la délicatesse épicurienne et un scepticisme de bonne compagnie, qui respectoit les bienséances. Chez Scarron c’étoit le cynisme, pour le fond et pour la forme. Le père de Scarron avoit fait lui-même profession de philosophie cynique ; le fils y avoit mêlé un stoïcisme railleur, qui relève son caractère personnel, sans ennoblir son langage et sa pensée. Ce mélange de cynisme et de stoïcisme donne au salon de Scarron un caractère propre, très-marqué avant son mariage : persistant, mais adouci et poli, par son épouse, après