Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/350

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la tête. Mademoiselle, quoiqu’elle fût d’une régularité de mœurs qui n’a jamais été soupçonnée, y a donné l’exemple elle-même du franc parler dans plusieurs Portraits. Mais ces petits ouvrages étoient faits pour une compagnie restreinte et choisie, au sein de laquelle chacun se livroit avec confiance aux mouvements de son esprit : personne n’a paru craindre le public en les écrivant. La publicité fut pour ces personnages une espèce de trahison inattendue. Voilà comment, malgré la réserve discrète qui régnoit à la cour de Mademoiselle, Mme de Chatillon5 n’a scandalisé personne, en écrivant dans son Portrait : « On ne peut pas avoir la jambe ni la cuisse mieux faites que je l’ai ; » ni Mme de Mauny, en avouant que : « Puisque les autres ont parlé de leur jambe, elle dira que la sienne est belle ; » à quoi elle ajoute : « Je me pourrois encore louer d’autres choses qu’on ne verra pas, pour me démentir. » Aucune de ces dames n’a oublié de parler de sa gorge, les unes avec orgueil, d’autres avec humilité. Une demoiselle de grande qualité, qu’on suppose être Marie Mancini, plus tard la connétable Colonne, écrit : « Ma gorge est belle à la pouvoir montrer, si c’étoit la mode. » Mlle Desjardins, qui n’étoit point encore Mme de Villedieu, ou la marquise de Chattes, nous apprend que sa gorge est disposée à être belle, quand elle aura l’âge et l’embonpoint requis. Mlle de Rohan, qui fut la sage


5. L’hôtel de Chatillon étoit, au dix-huitième siècle, rue Saint-Dominique, vis-à-vis l’hôtel Molé. Au dix-septième siècle, le beau duc de Chatillon habitoit, rue du Petit-Bourbon-Saint-Sulpice, un hôtel qu’avoit occupé la célèbre duchesse de Montpensier, au temps de la Ligue, et dont la porte subsiste encore.