Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/386

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illustres de notre auteur. La trop habile Mme de Maintenon ne s’en inquiéta jamais, pas plus que de Mme Fouquet. Colbert étoit, aux yeux du public, un grand ministre ; mais, dans le privé, une petite vertu. Sa fortune, pour être moins scandaleuse que celle de Fouquet, n’en est pas moins fort reprochable ; et ce soin dont il se chargeoit, en compagnie de Mme Colbert, son épouse, de faire accoucher, en secret, les maîtresses du roi : la tendre la Vallière d’abord, puis l’altière Montespan, est peu digne d’un homme honnête et délicat. Mais l’abaissement des caractères est un des plus fâcheux effets du pouvoir absolu ; et un jour arrive où nul ne sait plus résister au maître, quoi qu’il demande.

Saint-Évremond, après le désastre de Fouquet, avoit quitté la cour, et, sans se douter des visites domiciliaires pratiquées à Paris, il s’étoit retiré dans une terre du maréchal de Clérambaut, pour se livrer librement à ses regrets. Il fut averti que l’ordre étoit donné de l’arrêter, par Gourville, qui lui envoya un homme de confiance, lequel le rencontra dans la forêt d’Orléans, revenant à Paris en toute sécurité, avec le maréchal. L’avertissement lui fit rebrousser chemin : c’est Gourville qui nous apprend ces détails dans ses Mémoires ; et il paroît même que ce fut sur les conseils réitérés de cet ami que Saint-Évremond se mit en sûreté, d’abord en Normandie, où il resta caché pendant quelque temps ; puis, ayant acquis la certitude qu’on avoit résolu de l’enfermer à la Bastille, il se rapprocha secrètement de la frontière, sur la fin de l’année 1661, et préférant l’exil à la prison, il prit refuge