Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/388

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versation faisoit la joie la plus délicate de ses amis, se laissoit posséder entièrement à ces sortes de pensées, quelquefois judicieuses, et toujours tristes. »

Saint-Évremond chercha premièrement un asile en Hollande, ensuite en Angleterre. Nous savons l’inutilité des efforts tentés pour obtenir sa grâce. Le roi fut inflexible pendant plus d’un quart de siècle ; et lorsque, à la veille de la guerre de 1689, on fit savoir au banni qu’il pouvoit retourner dans sa patrie, le philosophe, déjà vieux, répondit qu’il étoit un peu tard, et préféra finir ses jours sur la terre hospitalière, où il avoit trouvé sa sûreté, entouré d’honneurs et d’affections. Voltaire, dans le Siècle de Louis XIV, a rendu hommage au noble caractère déployé alors par Saint-Évremond. Mais il laisse soupçonner une cause secrète de disgrâce autre que celle de la Lettre sur la paix des Pyrénées. Cette conjecture n’a aucun fondement plausible, à moins qu’on ne veuille croire que Saint-Évremond a été poursuivi, en outre de sa fameuse Lettre, comme auteur présumé de quelque écrit apologétique en faveur de Fouquet11. Il en parut beaucoup, sans nom d’auteur, à cette époque, et l’on en peut voir bon nombre dans les papiers de Conrart. Mais aucun d’eux n’a jamais été, sérieusement du moins, attribué à Saint-Évremond. Il


11. Voy. Feuillet de Conches, Causeries d’un curieux, tome II, p. 516. L’histoire de l’administration et de la disgrâce de Fouquet nous est aujourd’hui parfaitement connue, grâce aux recherches de M. Walckenaer et de M. Chéruel. Je renvoie mes lecteurs à leurs ouvrages, qui sont dans les mains de tout le monde.