Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/441

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gesse de Socrate le fit raisonner beaucoup, à sa mort ; mais ses raisonnements incertains ne persuadèrent ni ses amis, ni lui-même, de ce qu’il disoit.

Je connois des gens qui troublent la joie de leurs plus beaux jours, par la méditation d’une mort concertée ; et, comme s’ils n’étoient pas nés pour vivre au monde, ils ne songent qu’à la manière d’en sortir. Cependant il arrive que la douleur renverse leurs belles résolutions au besoin ; qu’une fièvre les jette dans l’extravagance, ou que, faisant toutes choses hors de saison, ils ont des tendresses pour la lumière, quand il faut se résoudre à la quitter :

Oculisque errantibus, alto
Quæsivit cœlo lucem, ingemuitque repertâ3.

Pour moi, qui ai toujours vécu à l’aventure, il me suffira de mourir de même. Puisque la prudence a eu si peu de part aux actions de ma vie, il me fâcheroit qu’elle se mêlât d’en régler la fin.

À parler de bon sens, toutes les circonstances de la mort ne regardent que ceux qui restent. La foiblesse, la résolution, tout est égal au dernier moment ; et il est ridicule de penser


3. Virgile au IVe livre de l’Énéide, vers 691 et 692, parlant de Didon expirante sur le bûcher.