Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/460

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de la diversité des sentiments sur la doctrine de la grace ? — Quelle folie ! Quelle folie, me dit-il, de croire que nous nous haïssons, pour ne penser pas la même chose sur la grace ! Ce n’est ni la grace, ni les cinq propositions, qui nous ont mis mal ensemble : la jalousie de gouverner les consciences a tout fait. Les jansénistes nous ont trouvé en possession du gouvernement, et ils ont voulu nous en tirer. Pour parvenir à leurs fins, ils se sont servis de moyens tout contraires aux nôtres. Nous employons la douceur et l’indulgence ; ils affectent l’austérité et la rigueur. Nous consolons les âmes par des exemples de la miséricorde de Dieu ; ils effrayent par ceux de sa justice. Ils portent la crainte où nous portons l’espérance, et veulent s’assujettir ceux que nous voulons nous attirer. Ce n’est pas que les uns et les autres n’aient dessein de sauver les hommes, mais chacun veut se donner du crédit en les sauvant ; et, à vous parler franchement, l’intérët du directeur va presque toujours devant le salut de celui qui est sous la direction. Je vous parle tout autrement que je ne parlois à M. le maréchal. J’étois purement jésuite avec lui, et j’ai la franchise d’un homme de guerre avec vous. »

Je le louai fort du nouvel esprit que sa dernière profession lui avoit fait prendre, et il me sembloit que la louange lui plaisoit assez.