Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

versel des nations, que Platon, Aristote, Zénon, Épicure, avoient été les lumières de leur siècle. Cependant, on ne voyoit rien de si contraire que leurs opinions. Trois mille ans après, je les trouvois également disputées : des partisans de tous les côtés, de certitude et de sûreté nulle part. Au milieu de ces méditations, qui me désabusoient insensiblement, j’eus la curiosité de voir Gassendi3, le plus éclairé des philosophes, et le moins présomptueux. Après de longs entretiens, où il me fit voir tout ce que peut inspirer la raison, il se plaignit « que la nature eût donné tant d’étendue à la curiosité et des bornes si étroites à la connoissance ; qu’il ne le disoit point pour mortifier la présomption des autres, ou par une fausse humilité de soi-même, qui sent tout à fait l’hypocrisie ; que peut-être il n’ignoroit pas ce que l’on pouvoit penser sur beaucoup de choses, mais de bien connoître les moindres, qu’il n’osoit s’en assurer. » Alors une science qui m’étoit déjà suspecte, me parut trop vaine pour m’y assujettir plus longtemps ; je rompis tout commerce avec


3. Pierre Gassendi, né à Champtercier, près de Digne, en 1592, mort en 1656, professeur au collège de France. L’édition la plus estimée de ses œuvres, est celle de Lyon, 1658, 6 vol. in-fol., reproduite à Florence, en 1728. Bernier a donné un Abrégé de la Philosophie de Gassendi, à Paris, 1678, 7 vol. in-12.