Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/474

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en elles, et n’a qu’elles pour objet : le second vient du dehors, ou attiré par une secrète sympathie, ou reçu par la violence d’une amoureuse impression. L’un est un bien qui ne fait que plaire, mais toujours un bien, et qui dure autant que la beauté ; l’autre sait toucher davantage, mais il est plus sujet au changement.

À cet avantage de la durée, qu’a la complaisance de la beauté sur le mouvement de la passion, vous pouvez ajouter encore qu’une belle femme se portera plutôt à la conservation de sa beauté, qu’à celle de son amant : moins tendre qu’elle est pour un cœur assujetti, que vaine et glorieuse de ce qui peut lui donner la conquête de tous les autres. Ce n’est pas qu’elle ne puisse être sensible pour cet amant ; mais, avec raison, elle se résoudra plutôt à souffrir la perte de ce qu’elle aime, que la ruine de ce qui la fait aimer.

Il y a je ne sais quelle douceur à pleurer la mort de celui qu’on a aimé. Votre amour vous tient lieu de votre amant, dans la douleur ; et de là vient l’attachement à un deuil qui a des charmes :

Qui me console excite ma colère :
Et le repos est un bien que je crains.
Mon deuil me plaît et me doit toujours plaire ;
Il me tient lieu de celle que je plains1.



1. Maynard, dans l’Ode, sur la mort de sa fille.