Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/480

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Bodin3 ; mais il ne le put faire, à son grand regret : car la foule devint si grosse, et les infirmes se pressèrent si fort, pour être guéris les premiers, qu’avec les menaces et la force même, on eut de la peine à venir à bout de régler leurs rangs.

Le prophète rapportoit toutes les maladies aux esprits : toutes les infirmités étoient pour lui des possessions. Le premier qu’on lui présenta étoit un homme accablé de gouttes et de certains rhumatismes, dont il lui avoit été impossible de guérir. Ce que voyant notre faiseur de miracles : « J’ai vu, dit-il, de cette sorte d’esprits en Irlande, il y a longtemps ; ce sont esprits aquatiques, qui apportent des froidures et excitent des débordements d’humeur, en ces pauvres corps. Esprit malin, qui as quitté le séjour des eaux, pour venir affliger ce corps misérable, je te commande d’abandonner ta demeure nouvelle et de t’en retourner à ton ancienne habitation. » Cela dit, le malade se retira ; et il en vint un autre, à sa place, qui se disoit tourmenté de vapeurs mélancoliques. À la vérité, il étoit de ceux qu’on appelle ordinairement hypocondriaques, et malades d’imagination, quoiqu’ils ne le soient


3. Le célèbre publiciste Jean Bodin avoit eu la foiblesse de croire à la magie et aux sorciers. Né en 1530, mort en 1596.