Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/483

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ment, pour tâcher de plaire à mon époux ; mais son démon le vient posséder, quand le mien me laisse : et ce mari, qui a tant de patience pour mes transports, n’a que de la fureur pour ma raison. » Là se tut une femme, en apparence assez sincère ; et le mari, qui ne l’étoit pas moins, commença son discours de cette sorte :

« Quelque sujet que j’aie de me plaindre du diable de ma femme, je lui ai du moins l’obligation de ne lui avoir pas appris à mentir ; et il me faut avouer qu’elle n’a rien dit qui ne soit très-véritable. Tout le temps qu’elle me paroît agitée, je suis patient ; mais aussitôt que son esprit la laisse en repos, le mien m’agite à son tour ; et, avec un nouveau courage et de nouvelles forces, dont je me trouve animé, je lui fais sentir, le plus fortement qu’il m’est possible, la dépendance d’une femme et la supériorité d’un mari. Ainsi, notre vie se passe à faire le mal, ou à l’endurer, ce qui nous rend de pire condition que les plus misérables. Voilà nos tourments, monsieur ; et, s’il est possible d’y apporter quelque remède, je vous conjure de nous le donner : la cure d’un mal aussi étrange que le nôtre, ne sera pas celle qui vous fera le moins d’honneur. »

« Ce ne sont ici, ni lutins, ni farfadets, dit l’irlandois ; ce sont esprits du premier ordre, de la légion de Lucifer : démons orgueilleux,