Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/487

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l’adoucir, ne faisoit que l’irriter ; en sorte qu’elle devint plus insupportable qu’auparavant. « Vous aviez raison, ma femme, reprit le mari, les diables n’étoient pas si loin, qu’ils n’aient pu être rappelés : ou plutôt, vous avez été si chère au vôtre, qu’il a voulu demeurer avec vous, malgré le commandement qu’on lui a fait de vous quitter. Je suis trop foible pour avoir affaire, moi seul, contre vous deux : ce qui m’oblige à me retirer, exposé que je suis à des forces si dangereuses. » « Et moi, je me retire, dit-elle, avec cet esprit qui ne me veut pas quitter. Il sera de bien méchante humeur, s’il n’est plus traitable qu’un mari si fâcheux et si violent. » Puis se tournant vers son amie : « Avant que de me retirer, lui dit-elle, je suis bien aise de vous dire, madame, que j’attendois toute autre chose de votre amitié, et de l’intérêt que vous deviez prendre en celui d’une femme, contre la violence d’un mari. C’est une chose bien étrange de me voir insulter par celle qui me devroit soutenir. Adieu, madame, adieu : vos visites font beaucoup d’honneur ; mais on s’en passera bien, si elles sont aussi peu favorables que celle-ci. »

Qui fut bien étonné ? Ce fut la bonne et trop sage dame, instruite par sa propre expérience, que la sagesse même a son excès, et qu’on fait d’ordinaire un usage indiscret de la raison,