Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouve à en voir d’aimables, ne laissoit la peine de se défendre de les aimer : je souffre néanmoins rarement cette violence. À mesure que mon âge leur donne du dégoût pour moi, la connoissance me rend délicat pour elles ; et, si elles ne trouvent pas, en ma personne, de quoi leur plaire, par une espèce de compensation, je me satisfais d’elles malaisément. Il y en a quelques-unes dont le mérite fait assez d’impression sur mon esprit ; mais leur beauté se donne peu de pouvoir sur mon âme ; et, si j’en suis touché, par surprise, je réduis bientôt ce que je sens à une amitié douce et raisonnable, qui n’a rien des inquiétudes de l’amour.

Le premier mérite, auprès des dames, c’est d’aimer ; le second, est d’entrer dans la confidence de leurs inclinations ; le troisième, de faire valoir ingénieusement tout ce qu’elles ont d’aimable. Si rien ne nous mène au secret du cœur, il faut gagner au moins leur esprit par des louanges ; car, au défaut des amants à qui tout cède, celui-là plaît le mieux, qui leur donne le moyen de se plaire davantage. Dans leur conversation, songez bien à ne les tenir jamais indifférentes : leur âme est ennemie de cette langueur. Ou faites-vous aimer, ou flattez-les sur ce qu’elles aiment, ou faites-leur trouver en elles de quoi s’aimer mieux ; car, enfin, il leur faut de l’amour, de quelque nature qu’il puisse