Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/556

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bien la contrainte que nous donne une passion cachée, nous en font parler aux vents, aux ruisseaux, aux arbres ; croyant qu’il vaut mieux dire ce qu’on sent, aux choses inanimées, que de le tenir trop secret, et se faire un second tourment de son silence.

Comme je n’ai aucun mérite éclatant à faire valoir, je pense qu’il me sera permis d’en dire un, qui ne fait pas la vanité ordinaire des hommes ; c’est de m’être attiré, pleinement, la confiance de mes amis ; et l’homme le plus secret que j’aie connu en ma vie, n’a été plus caché avec les autres, que pour s’ouvrir davantage avec moi4. Il ne m’a rien celé, tant que nous avons été ensemble ; et peut-être qu’il eût bien voulu me pouvoir dire toutes choses, lorsque nous avons été séparés. Le souvenir d’une confidence si chère m’est bien doux ; la pensée de l’état où il se trouve m’est plus douloureuse. Je me suis accoutumé à mes malheurs, je ne m’accoutumerai jamais aux siens ; et puisque, je ne puis donner que de la douleur à son infortune, je ne passerai aucun jour sans m’affliger, je n’en passerai aucun sans me plaindre.



4. On a pensé que Saint-Évremond vouloit parler ici du surintendant Fouquet, dont la disgrâce fut l’occasion de celle de Saint-Évremond, et qui étoit alors prisonnier dans la citadelle de Pignerol, où il mourut, en 1680. Voy. M. Chéruel, Mém. sur la vie de Fouquet, 1862, 2 vol. in-8.