Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/558

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ceur, d’humanité, elle est plus sauvage que n’étoient les hommes qu’elle a assemblés ; et on peut dire qu’elle bannit tout agrément de la société qu’elle a établie.

L’amitié n’appréhende pas seulement les rigueurs de la justice, elle craint les profondes réflexions d’une sagesse qui nous retient trop en nous, quand l’inclination veut nous mener vers un autre. L’amitié demande une chaleur qui l’anime, et ne s’accommode pas des circonspections qui l’arrêtent : elle doit toujours se rendre7 maîtresse des biens, et quelquefois de la vie de ceux qu’elle unit.

Dans cette union des volontés, il n’est pas défendu d’avoir des opinions différentes : mais la dispute doit être une conférence pour s’éclaircir, non pas une contestation qui aille à l’aigreur. Il ne faut pas se faire de la passion, où vous ne cherchez que des lumières. Nos sentiments ne doivent avoir rien de fort opposé, sur ce qui regarde la religion. Celui qui rapporte tout à la raison, et celui qui soumet tout à l’autorité, s’accommoderont mal ensemble. Hobbes et Spinosa, qui n’admettent ni prophéties, ni miracles, qu’après un long et judicieux examen, feront peu de cas des esprits crédules, qui reçoivent les Révélations de sainte


7. Var. Elle doit se rendre toujours, etc.