Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/560

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sion s’y mêle, le dégoût finit la confiance, avec l’amour ; et, s’il n’y a que l’amitié, les sentiments de l’amitié ne tiennent pas longtemps, contre les mouvements d’une passion.

Je me suis étonné, cent fois, de ce qu’on avoit voulu exclure les femmes du maniement des affaires ; car j’en trouvois de plus éclairées, et de plus capables que les hommes. J’ai connu, à la fin, que cette exclusion ne venoit point, ni de la malignité de l’envie, ni d’un sentiment particulier d’aucun intérêt ; ce n’étoit point aussi par une méchante opinion que l’on eût de leur esprit. C’étoit, (cela soit dit sans les offenser) c’étoit par le peu de sûreté que l’on trouvoit en leur cœur, foible, incertain, trop assujetti à la fragilité de leur nature. Telle qui gouvernerait sagement un royaume aujourd’hui, se fera demain un maître, à qui on ne donnerait pas douze poules à gouverner, pour me servir des termes de M. le cardinal Mazarin. De quoi ne seroient pas venues à bout madame de Chevreuse, la comtesse de Carlisle, la princesse Palatine10, si elles n’avoient gâté, par leur cœur, tout ce qu’elles auroient pu faire, par leur esprit ? Les erreurs du cœur sont bien plus dangereuses que les extravagances de l’imagina-


10. Anne de Gonzague, fille du duc de Nevers, épouse d’Édouard, prince palatin du Rhin ; et Marie de Rohan, fille du duc de Montbazon, épouse de Claude de Lor-