Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/583

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se laisser aller au ressentiment de quelque injure ? D’ailleurs, Épicure, ayant voulu ruiner l’opinion qu’on avoit de la Providence, et de l’immortalité de l’âme, ne puis-je pas me persuader raisonnablement que le monde s’est soulevé contre une doctrine scandaleuse, et que la vie du philosophe a été attaquée, pour décréditer plus facilement ses opinions ? Mais si j’ai de la peine à croire ce que ses ennemis et ses envieux en ont publié, aussi ne croirai-je pas aisément ce qu’en osent dire ses partisans.

Je ne crois pas qu’il ait voulu introduire une volupté plus dure que la vertu des stoïques. Cette jalousie d’austérité me paroît extravagante, dans un philosophe voluptueux, de quelque manière qu’on tourne sa volupté. Beau secret de déclamer contre une vertu, qui ôte le sentiment au sage, pour établir une volupté, qui ne lui souffre point de mouvement ! Le sage des stoïciens est un vertueux insensible ; celui des épicuriens un voluptueux immobile. Le premier est dans les douleurs, sans douleurs ; le second goûte une volupté, sans volupté. Quel sujet avoit un philosophe, qui ne croyoit pas l’immortalité de l’âme, de mortifier ses sens ? Pourquoi mettre le divorce, entre deux parties composées de même matière, qui devoient trouver leur avantage dans le concert et l’union de leurs plaisirs ?