Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/107

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Or, le génie d’intérêt, qui prit la place de celui de l’honneur, agit diversement chez les Romains, selon la diversité des esprits. Ceux qui eurent quelque chose de grand voulurent acquérir du pouvoir ; les âmes basses se contentèrent d’amasser du bien, par toutes sortes de voies.

Comme on ne va pas tout d’un coup à la corruption entière, il y eut un passage de l’honneur à l’intérêt, ou l’un et l’autre subsistèrent dans la république, mais avec des égards différents. Il y avoit de l’honnêteté en certaines choses, et de l’infamie en d’autres.

Les esprits se corrompoient, dans Rome, aux affaires qui regardoient les citoyens. L’intégrité devenoit plus rare, tous les jours : on ne connoissoit presque plus de justice. L’envie de s’enrichir étoit la maîtresse passion ; et les personnes considérables mettoient leur industrie à s’approprier ce qui ne leur appartenoit pas. Mais on voyoit encore de la dignité, en ce qui regardoit les étrangers ; et les plus corrompus, au dedans, se montroient jaloux de la gloire du nom romain, au dehors.

Rien n’étoit plus injuste que les jugements des sénateurs : rien de si sale que leur avarice. Cependant le Sénat s’attachoit, avec scrupule, à la conservation de la dignité ; et jamais on n’apporta plus de soin pour em-