Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

utiles à la république, devenoient autant de talents avantageux pour les factions.

Je ne vois ni délicatesse, ni modération dans les jugements qu’on en a laissés. Ceux qui ont tenu le parti du Sénat, l’ont fait passer pour un furieux ; les partisans du peuple, pour un véritable protecteur de la liberté. Il me paroît qu’il alloit au bien, et qu’il haïssoit naturellement toutes sortes d’injustices ; mais l’opposition mettoit en désordre ses bons mouvements. Une affaire contestée l’aigrissant contre ceux qui lui résistoient, il poursuivoit par un esprit de faction ce qu’il avoit commencé par un sentiment de vertu. Voilà, ce me semble, quel étoit le génie de Gracchus, qui sut émouvoir le peuple contre le sénat. Il faut voir en quelle disposition étoit le peuple.

Après avoir rendu de grands service à l’État, le peuple se trouvoit exposé à l’oppression des riches, et particulièrement à celle des sénateurs, qui, par autorité, ou par d’autres méchantes voies, tiroient la commune de ses petites possessions. Des injures continuelles avoient donc aliéné les esprits de la multitude ; mais, sans avoir encore de méchantes intentions, elle souffroit avec douleur la tyrannie ; et, plus misérable que tumultueuse, attendoit plus qu’elle ne cherchoit de sortir d’une condition infortunée.