Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/132

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rent employés à sa perte, qu’on se défit, à la fin, d’un homme qui vouloit bien obéir, mais qui méritoit de commander. Il périt, ce Germanicus, si cher aux Romains, dans une armée où il eut moins à craindre les ennemis de l’empire, qu’un empereur qu’il avoit si bien servi.

Il ne fut pas seul à se ressentir de cette funeste politique : le même esprit régnoit généralement en toutes choses. Les emplois éloignés étoient des exils mystérieux ; les charges, les gouvernements ne se donnoient qu’à des gens qui devoient être perdus, ou à des gens qui devoient perdre les autres. Enfin, le bien du service n’entroit plus en aucune considération ; car, dans la vérité, les armées avoient plutôt des proscrits que des généraux ; et les provinces, des bannis que des gouverneurs. À Rome, où les lois avoient toujours été si religieusement gardées, et avec tant de formes, tout se faisoit alors par la jalousie de ce mystérieux cabinet.

Quand un homme d’un mérite considérable témoignoit de la passion pour la gloire de l’empire, Tibère soupconnoit aussitôt que c’étoit avec dessein d’y parvenir. S’il restoit à quelqu’autre un souvenir innocent de la liberté, il passoit pour un esprit dangereux qui vouloit rétablir la république. Louer Brutus et Cas-